Orliane Luc Therbé

Bus riders

«Ruff Ryders, Ruff Ryders
Ryde or Die, Volume 2
Ahh Ha!
It's the second time around motherf******!»

-- World War III des Ruff Ryders



Mise en garde : Ce texte n'est pas formatté pour le cellulaire. Désolée 🙁

EXT. ARRÊT 189, STATION HONORÉ-BEAUGRAND - JOUR 

LUCE-BERTH (37 ans) et CARINE (37 ans) attendent l’autobus,
dans une courte file. Leurs COMPAGNONS portent tous des
masques divers, les feux femmes portent des masques bleus
chirurgicaux. Elles tiennent des sacs de magasins de
vêtements.

Luce-Berth, la plus grosse, a un sac à dos usé, un manteau
trop grand pour elle, des gants épais, des bottes inuit et
une tuque à pompon cachant de faux-locs noirs et protégeant
ses oreilles. Elle piaffe sur place.

Carine, la plus mince, a une sacoche dernier cri, un manteau
ajusté, une capuche à fourrure remontée sur la tête et des
bottes hautes à la mode. Elle se tient droite, elle a déposé
ses sacs à ses pieds pour mettre les mains dans ses poches.

                    LUCE-BERTH
                (frigorifiée)
          Ça fait un bail que j’ai pas pris
          l’bus.
          
                    CARINE
          J’avais suggéré Uber, mais...
          
                    LUCE-BERTH
          Fuck Uber.
          
                    CARINE
                (roule des yeux)
          Faudrait le dire à ta panse.
          T’utilises toujours Ubereats.
          
                    LUCE-BERTH
                (sarcastique)
          J’assume mes contradictions.
          
                    CARINE          
                (moqueuse)
          Pas tes convictions.
          
Le son du moteur de l’autobus s’approchant alerte Luce-Berth
qui sert ses sacs d’une main et prépare sa carte OPUS de
l’autre.

Carine se tourne pour constater le déplacement du véhicule.

INT. AUTOBUS 189 EST - JOUR 2

Elles sont assises au fond, sur la banquette à 4 places.
Carine est côté fenêtre. Elle fixe les grilles de fer
séparant la station de métro et la résidence pour aînés.

Luce-Berth essaie de ne pas prendre trop de place et garde
tous ses sacs sur ses cuisses. Carine a ses sacs sur le
plancher mouillé et retire son foulard.          

                    CARINE
          Tu m’as dit que le resto sur ta rue
          avait pris feu.
          
                    LUCE-BERTH
          Ça fait trois ans. Veulent même pas
          le rénover.
          
                    CARINE
          Tu nous suggères quoi?
          
Tenant fermement ses sacs de ses doigts crispés, Luce se
tourne vers son amie avec un espoir hésitant.

                    LUCE-BERTH
          La Cage sur Ubereats?
          
                    CARINE
          Non. Un resto près de chez toi.
          
                    LUCE-BERTH
          J’en sais rien moi. Attends.
          
Maladroitement, elle soulève ses sacs de magasinages pour
atteindre son sac à dos.

EXT. - AUTOUBUS, STATION HONORÉ-BEAUGRAND - JOUR

L’autobus se déplace, traverse la rue Sherbrooke,
s’éloignant du petit centre Village Champlain.

INT. AUTOBUS 189 EST - JOUR

Luce-Berth fouille dans son sac à dos. Elle en sort son
téléphone.

                    CARINE
          Tu me niaises? Ça fait pas dix ans
          que tu vis dans le quartier?

                    LUCE-BERTH
          Ça fait pas vingt-cinq ans que tu
          me connais? Je sors pas à moins d’y
          être obligée.
                (marmonne)
          Et même-là.
          
                    CARINE
          SMH.
          
                    LUCE-BERTH
                (distraite)
          T’es pas un peu vieille pour me
          sortir ces abréviations?
          
                    CARINE
          YOLO.
          
Carine sourit largement alors que sa compagne roule des
yeux.

EXT. AUTOBUS, ARRÊT RUE ROUX - JOUR

Le bus s’arrête à une lumière, un coin de rue citadin,
entouré d’arbres, et d’abris Tempo.

INT. AUTOBUS 189 EST - JOUR

Un JEUNE HOMME (env. 20 ans), casque-écouteur dernier cri
sur les oreilles, s’installe sur la banquette devant elles.

Luce-Berth essaie de dégager ses pieds pour lui laisser de
l’espace pour se déplacer.

Carine regarde derrière lui, le bus est pratiquement vide.

Les deux femmes passent un commentaire silencieux en se
regardant l’une et l’autre du coin de l’oeil.

Le jeune homme est concentré sur son écran de téléphone et
il écoute sa musique forte.

Lorsque l’autobus se déplace, un édifice attire le regard de
Carine. Elle donne un coup de coude à Luce-Berth qui est à
nouveau distraite.

                    CARINE
          Euh, il y avait pas un vendeur
          d’armes à feu dans le coin?

                    LUCE-BERTH
          Mmm. Y ont déménagé, il y a
          plusieurs années. C’est une
          garderie, maintenant.

                    LUCE-BERTH (CONT.)
          Mmm. Y a un Subway à quelques pas
          du Jean Coutu. Oh, c’est vrai. Y a
          aussi un resto haïtien en face de
          ce même Jean-Coutu.

Le bus s’arrête de nouveau. Les deux femmes lèvent la tête.

EXT. AUTOBUS, ARRÊT RUE HOCHELAGA - JOUR

Un mini centre commercial fait face à l’arrêt. Il s’y trouve
un restaurant, un guichet Desjardins, un supermarché IGA.

INT. AUTOBUS 189 EST - JOUR

Le jeune homme se lève avec empressement et descend.

                    CARINE
          Pas envie. Autre chose? Hey!

Elle pointe le restaurant dans le mini centre commercial.

                    LUCE-BERTH
          Coq-au-Bec? Nanh. J’aime bien leurs
          côtes levées, mais pas leur poulet.
          Pas envie, non plus.

Carine ne l’écoute plus. Elle fixe une maison blanche avec
de gros rochers derrière le mini centre commercial.

                    CARINE
          Hey, la maison à côté de l’arrêt,
          en face. Ils ont fini leur
          aménagement.

                    LUCE-BERTH
          Oui.

                    CARINE
          Du peu que je peux voir, ça me
          semble bien fait.

                    LUCE-BERTH
          Ouais, chaque fois que je passe
          devant, j’ai toujours envie d’aller
          leur demander la carte du
          paysagiste. Mais, j’suis trop
          gênée.

L’autobus se met en marche et Carine se tourne vers
Luce-Berth.

                    CARINE
          Okay... Pourquoi tu veux leur
          demander? Googles ça. T’es toujours
          branchée sur ton ordi, de toute
          façon.

                    LUCE-BERTH
          J’avais vu un Noir travailler la
          terre et déplacer des dalles. Je
          sais pas si c’était le propriétaire
          ou le paysagiste. Ou konnen, sipòte
          biznis li-an*.
          
CARINE Ah! Hashtag AchatBLM.
LUCE-BERTH Là, tu te fous de ma... CARINE (choquée) Le cinéma a été détruit. LUCE-BERTH Hein? Oh. C’était une école pour adulte, je crois. En tout cas, elle va être reconstruite plus grande. Quant au cinéma Station Vu qui louait une partie... Luce-Berth hausse des épaules sans plus. Carine retourne à la fenêtre. Se défilent un terrain en construction, une bibliothèque et sa nouvelle devanture, un rack de BIXI vide. En voyant arriver le Pharmaprix, Carine lève la main pour signaler leur descente. LUCE-BERTH Attends, je croyais que tu voulais emporter d’un resto. On va descendre à l’arrêt du Jean-Coutu et on verra autour. CARINE Tu détestes marcher. LUCE-BERTH Surtout qu’il fait frette aujourd’hui, alors on traînera pas. CARINE (marmonne) T’as toujours froid. (plus clairement) C’est à quelle rue? LUCE-BERTH Quand tu verras une bannière jaune au loin, on sera près. CARINE Tu me niaises? Luce-Berth Maria Brigitte Norélia! LUCE-BERTH Vingt. Cinq. Ans. Carine Sainte-Claire, ho! Okay, on vient de passer le Couche-Tard, tu peux sonner. Carine rit dans son masque. EXT. AUTOBUS, ARRÊT RUE DES ORMEAUX - JOUR Les deux femmes descendent avec précaution pour ne pas rentrer dans l’abribus mal placé. Elles marchent rapidement sur le trottoir où se mélagent neige, glace, roche et sel. Les quelques restaurants trouvés ne sont pas de leur goût. Elles ne font qu’une rue et demie avant que Luce-Berth ne commence à gémir. LUCE-BERTH J’en ai marre. J’aurais dû mettre mes pantalons de neige. On rebrousse. Le Jean-Coutu est ouvert, on va se chercher de quoi grignoter. CARINE Comment t’aurais fait pour essayer tes vêtements? Retournons au IGA. LUCE-BERTH Pas question! Tiens. Le resto haïtien, on se trompe pas avec du riz collé et du griot. Y font même du riz djondjon. YOLO! Carine roule des yeux et observe le petit restaurant avec une moue. Les chaises sont retournées sur les tables, il y a quand même plusieurs personnes à l’intérieur. LUCE-BERTH (cont’d) (narquoise) Quoi? Hashtag AchatBLM, non? La musique d’une radio québécoise peut s’entendre de la porte. Elle masque les marmonnements bon joueur de Carine et les rires de Luce-Berth.
FIN


Traduction

You know, supporter sa business.   

Bonus

Je mets ici la vidéoclip de la chanson des Ruff Ryders, World War III. Je ne sais pas pourquoi cette chanson trottait dans ma tête quand j’écrivis le scénario. Elle en donna le titre.

Un autobus de la ville de Montréal sur la route, en hiver.
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